Le Jumelage Haïti

Articles tirés du journal NDN

Passeurs de vie

 

 

Revêtue de sa plus belle robe, suffisamment longue pour cacher une jambe handicapée, séquelle des heures passées sous les décombres de sa maison lors du séisme, Emmanuela troque à l’entrée de l’église Notre-Dame de la Victoire sa vieille paire de baskets contre une jolie paire de chaussures à talon. Elle est vivante et, comme chaque dimanche, sourire aux lèvres, elle vient célébrer son Dieu.

Demain, comme de nombreuses femmes de Canaan, elle partira vers Port-au- Prince « chèché lavi »*, tentant de faire du petit commerce pour nourrir ceux auxquels elle a donné la vie.

Survivre au quotidien. Dans ce combat, rien ne la décourage, ni les kilomètres à parcourir à pied ou en tap-tap,* ni les conditions climatiques, ni la faim ou la soif qui la tenaillent souvent. Face à la précarité de son existence, elle a appris à vivre, à se battre.

Chaque matin ses enfants se rendent seuls à la Mission Saint-Gabriel. Ils y reçoivent l’éducation qui, elle l’espère, leur procurera une vie meilleure. Le soir, en rentrant de Port-au- Prince, elle fait souvent un détour, se rendant sur le chantier de l’école de Santo. Là, visage radieux, elle assiste à l’avancée
de la construction. Espérance d’une autre vie.

Merci à tous ceux qui, par leur fidélité à ce projet, maintiennent vivante cette espérance. Merci à tous les passeurs de vie.

*chèché lavi (chercher la vie) expression haïtienne qui signifie la prise en main de son destin, on
cherche, malgré des conditions précaires, à se débrouiller pour survivre.

*Tap-tap, nom des voitures-taxi

Brigitte Ferry
NDN 8 – Temps Pascal 2017