Portraits et Témoignages

Articles tirés du journal NDN

La longue traversée de Michel

 

 

Un calvaire, une croix sur le bord de la route, à Clisson. Michel passe devant plusieurs fois par jour, depuis qu’il est arrivé à Clisson début 2016, au Centre d’Accueil de Demandeur d’Asile (CADA). A chaque fois, il s’arrête devant cette croix et se prosterne.

Michel est né au Congo. Depuis son enfance il a toujours voulu être prêtre. Après son bac, il avance dans son cheminement vers le sacerdoce, et termine ses études de théologie sans être ordonné. Mais les évènements de la vie, et en particulier les turbulences politiques de son pays vont dessiner son avenir autrement. En raison notamment de son engagement dans le mouvement « justice et paix », en 2015, Michel va être emprisonné et torturé durant trois semaines. Il est libéré, grâce à l’intervention de l’Eglise et de sa famille. Mais il doit cependant fuir son pays.

Commence alors le long périple. Il prend l’avion pour Istanbul en Turquie. « Là-bas, la vie n’était pas facile, car c’est un pays musulman et l’Eglise est minoritaire, je ne pouvais rien faire.  Je ne savais pas comment partir car je n’avais pas de papiers. On m’a alors dit que pour quitter ce pays, il fallait « prendre l’eau ».

C’est un groupe d’une centaine de personnes qu’il rejoint. Les passeurs les font attendre trois semaines, car la météo ne joue pas en leur faveur. Durant, ce temps, Michel prie son chapelet. « Un jour une dame me dit « je te vois toujours prier, est-ce qu’on peut prier avec toi ? ». J’ai prié avec elle le matin, le soir. Puis on était deux, trois, quatre… nous sommes devenus un groupe de cinquante personnes à prier chaque matin, chaque soir. On disait le chapelet, on lisait l’évangile du jour, on interprétait. Puis, une nuit, on nous appelle pour partir. »

Terrible parcours et douloureux souvenirs : péril en mer, étapes dans des camps de réfugiés, puis longues marches à pied jusqu’à la Hongrie. « Les gens m’ont aidé. Je ne sais pas comment expliquer cela. Il y avait la solidarité entre nous : Quand quelqu’un avait de l’argent, il achetait la nourriture pour tout le monde. Syriens, camerounais, érythréens, nous étions beaucoup de nationalités. Il n’y avait pas d’un côté les musulmans et de l’autre les chrétiens, ou d’un côté les blancs et de l’autre les noirs, on était tous ensemble, on priait tous ensemble. Un jour une dame syrienne a accouché, et elle a demandé s’il y avait quelqu’un pour baptiser son fils, et moi j’ai baptisé son fils. J’ai écrit une lettre pour qu’elle l’a donné au prêtre quand elle arrivera, pour expliquer la circonstance. »

Michel arrive finalement en France, en Septembre 2015. Depuis il a établi des liens avec notre communauté paroissiale. Parmi ses services, il assure la catéchèse des jeunes migrants. Récemment il a reçu le statut de réfugié avec un permis de séjour de 10 ans. « Le jour où j’ai reçu ce courrier, j’étais fou de joie. Je suis allé embrasser la croix du calvaire de Clisson. Les gens me voyaient, prenaient des photos, mais moi je m’en foutais, je bénissais le Seigneur ! »

Sœur Marie Anne
NDN 7 – Carême 2017