« L’église était vide ! »

À partir de ce dimanche, 5ème du Temps de Carême, les croix de nos trois églises, ainsi que les statues et les icônes des saints, vont se voiler de violet et cela pendant tout le temps de la Passion. Le sens de cette coutume, maintenue dans la réforme liturgique et proposée par le Missel Romain, s’est plus ou moins perdu et a donc de quoi nous surprendre. Prenons le temps de découvrir la signification de cette belle tradition, qui nous fait entrer, par cette étonnante « privation visuelle », dans la passion du Seigneur.Le but est d’interrompre le culte des saints pour se concentrer sur le Seigneur qui avance vers sa Passion. Les autels sont également privés de toute fleur. Le thème de la Passion, qui déjà, dans les dernières semaines, était de plus en plus accentué, domine désormais seul. Il s’agit de nous aider à orienter nos pensées vers la Passion du Christ. Si jusqu’ici le Carême a été le temps de la conversion et du renouvellement de la vie spirituelle, le temps de la Passion est spécialement consacré au souvenir des souffrances du Christ. C’est une étape importante de la préparation pascale.Cette « privation visuelle » peut parfois aller jusqu’à conformer la couleur des voiles à la couleur liturgique. Avec le rouge pour les Rameaux, le blanc pour le Jeudi saint. Sur la paroisse,  l’essentiel restera violet. C’est à partir du Vendredi saint que le crucifix est, le premier, dévoilé solennellement tandis que le prêtre chante par trois fois « Voici le bois qui a porté le salut du monde » et les fidèles répondent « Venez, adorons-le ». Il y a là un lien avec l’entrée solennelle du Cierge pascal dans l’église sombre, dont la lumière s’élève peu à peu tandis que par trois fois le diacre chante « Lumière du Christ ». C’est lors de la Vigile pascale, que les icônes et les statues seront enfin toutes dévoilées.Le voilement simultané des croix et des statues et des autres images de saints, rappelle aussi que sans le sacrifice du Christ, nulle vie sainte n’est possible, ni en ce monde ni dans l’autre. La mort du Christ au Calvaire est la source de toutes les grâces. On perçoit la pédagogie de l’Église qui veut nous recentrer sur cette Croix qui nous sauve. Nous étions habitués aux croix et aux statues des saints qui rappellent la vie avec Dieu : à la fin du Carême, tout cela est voilé, caché. C’est comme une dose d’austérité qui ajoute à la pénombre de nos églises. Et c’est bien là  l’effet qui est recherché. Un effet tel qu’il a entrainé la conversion du jeune Aron, 14 ans, futur Cardinal Jean-Marie Lustiger. Lui qui, entré, sur le chemin de l’école, dans la cathédrale d’Orléans dépouillée de ses ornements, avec ses croix et ses statues voilées, raconte « je suis entré dans la cathédrale, je ne savais pas pourquoi j’étais là, ni pourquoi les choses se passaient ainsi en moi … Le lendemain je suis retourné à la cathédrale … L’église était vide … J’ai subi l’épreuve de ce vide : je ne savais pas que c’était le vendredi saint … et à ce moment-là j’ai pensé : je veux être baptisé ».Mais rassurons-nous, le jour de Pâques, jour de la Résurrection, nous retrouverons statues et croix et nous verrons nos églises avec un regard neuf !P. Loïc Le Huen, curé +