« Qu’as-tu fait de ton frère ? »

Dimanche 5 mars 2023

Vous le savez, votre curé passe beaucoup – trop ! – de temps sur les réseaux sociaux ! Bon en tant que délégué épiscopal à l’information cela fait partie du « job ». Et c’est ainsi que j’ai lu récemment sur l’un de ces réseaux cette remarque à propos des débats sur la fin de vie : « Qu’est-ce que cela peut bien faire aux opposants à l’euthanasie que la loi permette à ceux qui le souhaitent d’y avoir recours ? Ils ne seront pas obligés, eux, d’y recourir, de quoi s’occupent-ils ? ».

« De quoi s’occupent-ils ? » En effet ce slogan est devenu celui de l’ère individuelle et il est difficile de proposer un discours et surtout un engagement différent face à cette revendication individualiste. C’est pourquoi, il nous faut réfléchir profondément à ce sujet de l’euthanasie. Sujet essentiel, sujet qui, je pense, touche à la fraternité. Fraternité bien malmenée de nos jours. Mais ce n’est pas nouveau et tout l’évangile nous le rappelle. C’est même inhérent à la vie de l’homme puisque dès les origines, les relations fraternelles ont été marquées par la violence et c’est pour cela que la troisième question que Dieu pose à l’homme est bien : « qu’as-tu fait de ton frère ? ».

Il ne peut y avoir de vie en société sans la nécessaire préoccupation du devenir de l’autre qui n’est pas seulement un individu qui évolue à côté de moi mais qui est bien celui que Dieu confie à mes soins. Car la tentation est grande de vivre les uns à côtés des autres de façon parallèle en ne se préoccupant surtout pas de l’autre. La société aurait alors le seul devoir de se donner les lois qui permettent à chacun de voir ses droits individuels garantis : le droit de mourir quand on veut, le droit de disposer de son corps comme on le veut !

Puisque dès les origines, la vie fraternelle est menacée par les aspirations individuelles, les sociétés se sont toujours données les moyens de protéger les plus faibles contre l’assaut des plus forts ; et c’est bien quand les règles ne protègent plus la fraternité qu’une société devient tyrannique et ne survit plus.

Devant la tyrannie de l’individualisme, que l’on voudrait favoriser par la loi, nous devons témoigner que le Christ est venu partager notre humanité pour sauver, notamment, nos relations et pour nous révéler que nous sommes tous les enfants d’un même Père. Et cette fraternité ne se bâtit pas sans la justice et la vérité et elle ne se bâtit pas non plus par des grands discours mais elle est à vivre d’abord à l’intérieur de nos familles, de notre paroisse, de nos différents lieux de vie où nous pouvons témoigner qu’un autre chemin est possible. Ce chemin de fraternité ouvert par le Christ et dont notre monde a cruellement besoin.

Loïc Le Huen, curé +