« Vers un départ… »

Dimanche 26 février 2023

Chers paroissiens, chers amis,

Nous souhaitons commencer ces nouvelles en exprimant notre action de grâce pour la joie de vivre notre foi au Christ ici, en communauté paroissiale, et en particulier sous le clocher Sainte-Croix, dans sa diversité si heureuse.

Il nous faut pourtant vous annoncer que nous allons cesser notre mission ici et quitter Nantes. Il est fort probable que vous en deviniez en partie la raison car vous connaissez ce quartier Bouffay, si charmant mais, aussi, si navrant. Il est bien trop souvent le théâtre des déboires de notre société – de jour comme de nuit – et la vie quotidienne y est, à la longue, éprouvante.

Le 4 janvier dernier, nous lisions dans le journal « Ouest France », l’écho d’un entretien de gérant d’entreprise de sécurité pour les bars et boîtes de nuits. Pour nous, il était intéressant d’entendre un professionnel s’exprimer sur ce sujet et de constater que nous avions perçu la même évolution, sachant que nous sommes arrivées, ici, il y a un peu plus de huit ans. Il disait donc ceci : « Il y a une dizaine d’années, on a commencé à sept [personnes], on est environ 45 aujourd’hui, dans une ville où les gens sortent beaucoup, où l’offre est énorme. Beaucoup de boîtes de sécurité se sont créées ces dernières années. » A la question : « Comment avez-vous vu évoluer les nuits nantaises en dix ans ? » Il répond : « Elles sont devenues moins sûres depuis cinq-six ans, avec une violence qui se déplace entre le quartier Bouffay et le Hangar à Bananes. […] A l’entrée des boîtes de nuit, quand on refuse quelqu’un d’éméché, ça part tout de suite, il y a moins de retenue. Des agents ont été agressés ; l’un d’eux a été menacé avec une arme. Dans plusieurs établissements, il a fallu doubler les effectifs, les dernières années, pour sécuriser le personnel. » Il relève aussi que le renfort de policiers, ces derniers temps, a un peu calmé le jeu.

Cependant, nous le voyons, la montée de la violence dont nous sommes témoins ne se résorbera pas avec une présence plus forte des forces de l’ordre. Celles-ci peuvent en atténuer certains effets, mais nul n’est dupe : ceux qui suscitent ce climat d’insécurité n’ont pas changé de comportement avec l’arrivée de la Police.

Pour nous, au fil du temps, c’est devenu trop usant. Quand nous sommes dans l’église Sainte-Croix, nous sommes toujours sur le qui-vive, toujours prêtes à réagir aux manques de respect du lieu, des personnes ou de la célébration qui s’y déroule.

Dans la journée, nous devons parfois intervenir dans l’église pour des situations de débordement ou de violence. C’est, le plus souvent, le fait de personnes en détresse psychique ou sous l’emprise de stupéfiants ou d’alcool, ou tout cela à la fois.

Cet état constant de mise en alerte nous empêche de vivre la prière telle qu’elle se vit dans notre vocation bénédictine. Nous ne sommes pas des « franciscains du Bronx » et nous n’avons pas vocation à être agents de sécurité, même si nous avons pris quelques leçons de « self défense ».

Pourtant, avec les curés respectifs, le Père Sébastien, puis le Père Loïc, et avec l’aide de personnes compétentes – dont une amie paroissienne fidèle de Sainte-Croix très au fait de cette problématique – nous avons non seulement cherché des solutions, mais aussi agi de multiples manières pour essayer de temporiser, réguler, ces problèmes quotidiens. Nous avons pu collaborer avec la municipalité – nous pensons aux « médiateurs de rue » en particulier –, avec la Police – tant nationale que municipale –, le Samu social, etc. C’est parce que nous avons « tout essayé » que nous pouvons dire que nous ne pouvons pas faire « plus ». C’est donc en prenant en compte tous ces paramètres qu’il nous est apparu difficile d’envisager l’avenir dans ce climat d’insécurité.

Nous avons finalement pris la décision de retourner en Champagne pour nous rapprocher de notre lieu source : le monastère de nos sœurs, Bénédictines de Saint-Thierry. Monseigneur Percerou souhaitait que l’on reste sur le diocèse, mais Nantes reste loin de Reims…

Il y a dix ans, lorsque le lieu et la mission nous avaient été proposés, ici, à Sainte-Croix, cela s’est fait de manière providentielle (par l’intermédiaire du P. Sébastien, alors étudiant avec Sr Agathe à l’Institut Supérieur de Liturgie à Paris). A ce moment-là, nous étions alors désireuses de prendre de la distance avec la communauté du Verbe de Vie qui était aussi en Champagne et que nous avions quitté en 2012 pour ses graves dysfonctionnements. Cette communauté sera dissoute définitivement le 1er juillet prochain. C’est pourquoi nous pensons que le moment est venu de retourner en Champagne. Dans un premier temps, sûrement  sur une année, nous serons au monastère de Saint-Thierry afin de préparer notre nouvelle insertion à Reims. Nous y vivrons comme apostoliques, en partageant la vie de nos sœurs, tout en continuant de répondre aux sollicitations, comme nous le faisons actuellement ici à Nantes : animations dans les écoles, concerts familiaux, enseignements, animations de retraites paroissiales… Tout cela : « sur place ou … à emporter » ! Nous reviendrons donc bien volontiers à Nantes si on nous y invite ! Également, vous serez les bienvenus au monastère.

Nous sommes en paix avec cette décision mais nous allons partir le cœur lourd. Ce qui pèse « lourd », ce sont tous ces liens de fraternité tissés au fil du temps, vos encouragements…  Notre reconnaissance est grande pour chacun de vous.

Il nous sera difficile de partir, de vous quitter, mais, heureusement, il nous reste encore quelques mois. Nous partirons en juillet. D’ici là, nous vivrons ensemble la belle fête de Pâques si riche de sens, qui nous fait vivre tous nos passages dans l’espérance.

Nous vous souhaitons un bon temps du Carême.

Vos sœurs de Sainte-Croix,
Sr Marie-Anne et Sr Agathe