L’ordinaire joie d’évangéliser !

Dimanches 19 et 26 janvier 2020

Dieu que Noël nous semble déjà loin… nous voici de nouveau dans « l’ordinaire ». Noël, qui comme chaque année, est si longtemps attendu et pourtant si vite passé. Dieu, qui est le maître du temps, n’aurait-il pas pu ralentir l’inexorable flux de ces moments heureux ? Pourquoi ne pas permettre que dure cette pause, ce sursis offert à toutes nos préoccupations, voire cette bienfaisante trêve aux discordes qui nous déchirent… N’étions-nous pas, d’ailleurs, devant la crèche, exactement comme il nous attend et veut : semblables à de petits enfants, le regard attendri par son Fils unique donné au monde ? Quelque chose en nous résiste à quitter la douceur de Noël, et nos sentiments ne sont pas loin de ceux de Simon-Pierre au jour de la Transfiguration : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici. Si tu le veux, je vais faire trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie » (Mt 17, 4). C’est ainsi : chaque théophanie, autrement dit chaque manifestation tangible de Dieu, donne à l’Homme le désir de faire durer l’instant. Quoi de plus normal, de plus compréhensible ? L’être humain n’est-il pas fait pour vivre éternellement dans cette vision de Dieu ?

Et pourtant, l’Enfant-Jésus nous presse de quitter rapidement la douceur de la crèche. Ainsi des bergers qui, après s’être émerveillés quelques instants, s’en retournent à leurs pâturages. Ou encore les mages, qui rentrent bien vite dans leur lointain pays. Ses propres parents, non plus, n’y font pas exception : il leur faut monter à Jérusalem présenter le nouveau-né au Temple, puis fuir en Egypte… Alors, comment pourrait-il en aller différemment de nous ? Car comme pour ceux que nous venons de citer, l’heure du repos n’a pas encore sonné.

Dans un passage bien connu de son exhortation apostolique La joie de l’évangile, le pape François évoque « la douce et réconfortante joie d’évangéliser » (n° 9-13). Il l’affirme, « Quand l’Eglise appelle à l’engagement évangélique, elle ne fait rien d’autre que d’indiquer aux chrétiens (…) que la vie s’obtient et mûrit dans la mesure où elle est livrée pour donner la vie aux autres. C’est cela finalement la mission ».

A la lecture de ces lignes, on comprend que si Jésus nous invite à quitter, sans nostalgie, la douceur de la crèche, c’est parce qu’il veut notre bonheur. La joie de Noël, les grâces que nous y avons reçues, ne perdureront, et même ne grandiront en nous, qu’à la mesure du zèle que nous déploierons pour en témoigner. Merveilleuse logique, qui nous fait comprendre le « malheur à moi si je n’annonce pas la Bonne Nouvelle » de l’Apôtre Saint-Paul (1 Co 9,16) non pas comme un froid devoir, mais comme une authentique source de bonheur.

Au début de ce temps « ordinaire » qui s’ouvre devant nous, quittons la crèche et avançons au large si nous voulons que notre joie atteigne sa plénitude !

P. Loïc Le Huen +