« Il faut que rien ne change pour que tout change »

Le prince Salina, illustre personnage du célèbre film Le Guépard de Visconti, confronté aux événements de l’unité italienne, a cette formule magnifique : « Il faut que tout change pour que rien ne change ». 

Pour autant, cette maxime n’exprime rien d’autre chez son auteur qu’un désir de perpétuer un ordre social établi duquel il tire, comme tant de grands de son temps, ses privilèges.

À l’inverse, l’Évangile nous enjoint à un radical changement qui ne s’exprime peut-être pas tant par une révolution de nos pratiques que par la manière dont nous les appréhendons et les vivons.

Ainsi, l’épitre de saint Paul à Philémon, pour laquelle j’ai une particulière tendresse, illustre cette manière nouvelle d’envisager toutes choses.

Dans le contexte de cet écrit paulinien, il s’agit de porter un regard nouveau sur une situation que l’Apôtre ne dénonce pas franchement mais qui, in fine, va conduire petit à petit à la fin d’une antique institution : celle de la condition d’esclave.

Dans cette brève adresse à Philémon (un seul chapitre et 25 versets seulement !), Paul, alors en prison en raison de sa foi, invite le destinataire de sa lettre à retrouver Onésime, son esclave qui avait pris la fuite et qu’il lui renvoie après l’avoir instruit de la foi chrétienne et l’avoir baptisé, « mieux qu’un esclave, comme un frère bien-aimé » (verset 16).

Ainsi s’opère ce qu’il est convenu d’appeler « la révolution de l’amour » qui, ne cherchant pas dans l’immédiat à bouleverser l’ordre social, conduit néanmoins à changer en profondeur le regard que nous portons sur l’autre. Si, dans la foi, nous considérons chacun comme notre « frère bien-aimé », alors tout peut changer, même si extérieurement rien ne change.

Voilà peut-être une attention à faire nôtre, en cette rentrée pastorale, pour accueillir vraiment chacun « comme un frère bien-aimé ». De là pourra naître une considération pour chacun, tel qu’il se présente à nous, et que grandisse toujours plus l’amour fraternel qui seul est digne de foi et qui pourra porter au monde le témoignage que Jésus attend de nous : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35).

P. Sébastien Catrou, curé +

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