« Fraternellement »

Paradoxalement, dans un monde marqué par un individualisme tout puissant, cet adverbe est pourtant de plus en plus utilisé tant en politique, que dans les milieux associatifs et sans oublier notre Église. Il sert même de plus en plus souvent à remplacer « cordialement » à la fin de certains de nos sms ou courriels. Oui, à l’heure où notre société fragmentée est traversée par de multiples replis sur soi identitaires, à l’heure où les professions qui prennent soin des plus fragiles sont les moins valorisées, que peut signifier cette référence à la fraternité, par ailleurs mise en avant dans la devise républicaine ? (Elle avait d’ailleurs été choisie aux dépens de la « solidarité » dans un souci de réconcilier les différents courants politiques qui animaient la France de la Troisième République).

Dans la Bible, la fraternité est souvent une réalité blessée… Du meurtre d’Abel par Caïn au cycle de Joseph et de ses frères, les relations fraternelles sont meurtries et brisées, à mille lieues de l’idéal à la fois rêvé, désiré et véhiculé par des discours un peu faciles, mais hors de portée de tant de fratries. Faut-il alors renoncer à la Fraternité ? Ce serait renoncer à ce qui est sage aux yeux de Dieu. Car nos « frères » sont bien souvent invisibles dans le tumulte de nos sociétés. Et les plus vulnérables deviennent ceux sans qui il n’est pas de société fraternelle. Ce sont eux qui nous appellent à une authentique fraternité, celle qui trouve sa source dans l’incarnation, ce mystère qui a ouvert la voie des relations fraternelles. En renonçant au rang qui l’égalait à Dieu, pour se manifester comme l’un de nous jusqu’à mourir sur la croix en innocent condamné injustement, et se laisser relever par un autre que lui-même, le Verbe de Dieu révèle en chaque être humain sa capacité de vivre fraternellement s’il se laisse conduire par l’Esprit de Dieu.

Une fraternité possible à la taille de l’humanité tout entière, une fraternité universelle. Nous en sommes loin.

Laissons-nous relever ensemble par celui qui se présente comme le chemin fraternel, la vérité fraternelle et la vie fraternelle.

Loïc Le Huen, curé +

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