« Avec nous, tous les jours ! »

Les chrétiens ont les pieds sur terre et le cœur levé vers le ciel. Et le jour de l’Ascension, l’Église contemple cette scène bouleversante : le Christ s’élève dans la gloire, tandis que les apôtres demeurent les yeux levés, suspendus entre stupeur, foi, et silence. Entre ciel et terre, nous voici comme en tension : appelés à la foi à désirer le Royaume tout en demeurant fidèles à notre mission dans ce monde.

C’est ce mystère du départ et de la présence, de l’absence apparente et de la promesse réelle, que Salvador Dalí a su saisir en 1952 dans une représentation saisissante de l’Ascension : non pas vue de l’extérieur, mais à travers les yeux des disciples. Et comme eux, nous vivons cette montée du Christ comme un vertige intérieur, un « ascenseur émotionnel » après les quarante jours d’allégresse pascale.

Voici donc dix jours suspendus qui s’ouvrent devant nous. Dix jours pour apprendre à attendre, dans la foi, ce « Défenseur » promis. Dix jours où Marie seule, discrète et confiante, montre le chemin de l’espérance. Dix jours pour désirer l’Esprit, ce Souffle qui, depuis la Genèse, traverse l’histoire : il guidait Israël dans le désert, inspirait les prophètes, couvrit Marie de son ombre, fit entendre la voix du Père au Jourdain… Et bientôt, il se répandra sur les apôtres, pour que l’Église naisse et continue l’œuvre du Christ.

Mais l’Ascension reste un mystère paradoxal. Car même en connaissant sa beauté, qui oserait se réjouir d’un départ ? Pourtant, ce départ est glorieux. Le Christ ne nous abandonne pas : il entre dans la plénitude de sa mission. « Il s’élève au plus haut des cieux pour être le Juge du monde et le Seigneur des seigneurs » (Préface de l’Ascension). Il n’est pas absent : il est devenu présent autrement, à tous, en tous lieux et en tout temps.

Et nous ? Le Ressuscité ne nous dit pas : « Attendez-moi », mais : « Allez ! » Pourquoi rester là à regarder le ciel ? Le Royaume commence ici, dans la mission que chacun reçoit.

Peut-être est-ce là, modestement, une clé pour comprendre aussi les départs pastoraux. Car il ne s’agit jamais d’un abandon, mais d’un appel à servir autrement. Comme le Christ confie l’Église à ses apôtres, je transmets aujourd’hui le flambeau à d’autres, dans l’élan de cette même confiance. Ce n’est pas un adieu, c’est un pas en avant dans le même service de l’Évangile.

Alors que cette fête de l’Ascension ravive notre espérance, qu’elle nous rappelle aussi que les départs ne sont jamais des fins, mais des commencements. Car le Christ est avec nous, tous les jours, jusqu’à la fin du monde.

P. Loïc Le Huen, curé +

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