De l’épée au soc : la vision d’Isaïe
« Il sera juge entre les nations et l’arbitre de peuples nombreux. De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre. » (Isaïe 2,4)
En ce premier dimanche de l’Avent, l’Église nous donne à entendre cette prophétie d’Isaïe. Elle ouvre le temps de l’attente et de l’espérance en nous plaçant devant une vision saisissante : un monde où les armes se transforment en outils de vie, où la guerre cesse d’être une fatalité. C’est une parole qui ne se contente pas de réconforter ; elle nous provoque.
Car dans le climat géopolitique anxiogène que nous traversons, marqué par les conflits armés, les menaces terroristes, les tensions internationales et les discours de peur, cette annonce semble presque scandaleuse. Comment croire à un avenir où les nations renoncent à la violence, alors que les journaux nous rapportent chaque jour l’inverse ? Isaïe ose pourtant poser cette vision comme horizon. Il nous oblige à ne pas céder au désespoir, à ne pas considérer la guerre comme une loi immuable de l’histoire.
Cette provocation est salutaire. Elle nous rappelle que la paix n’est pas une option secondaire, mais le cœur du projet de Dieu pour l’humanité. Elle nous invite à convertir notre regard : là où nous voyons des armes, Dieu voit des socs ; là où nous voyons des lances, il voit des faucilles. Autrement dit, il nous appelle à transformer les instruments de mort en instruments de fécondité.
L’Avent est précisément ce temps où nous apprenons à attendre activement. Attendre le Christ, ce n’est pas rester passifs ; c’est déjà commencer à vivre de son Royaume. Chaque geste de pardon, chaque parole de réconciliation, chaque initiative de solidarité devient une manière de « désarmer » notre monde. La prophétie d’Isaïe n’est pas une douce rêverie : elle est une exigence qui nous met en mouvement.
Alors, en ce premier dimanche de l’Avent, accueillons cette parole comme une lumière dans nos ténèbres. Elle nous dérange, elle nous bouscule, mais elle nous ouvre un chemin. Et si nous acceptons de la prendre au sérieux, nous deviendrons, à notre mesure, des artisans de paix. Car le Christ que nous attendons est déjà à l’œuvre : il transforme nos peurs en espérance et nos armes en outils de vie.
P. Sébastien Catrou, curé
