In memoriam…

Dimanche 7 novembre 2021

L’homme qui écrit cet éditorial n’a jamais connu la guerre. En effet, je suis né en 1975 (comme ça vous savez tout !) et mon pays est, globalement, en paix. Une paix qui a un prix. Car lorsque je vois les plaques mémorielles dans nos trois églises ou celles, impressionnantes, qui sont à l’extrémité nord du cours Saint-André, ici à Nantes, je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour tous ces jeunes et moins jeunes qui un jour sont partis sans rien avoir demandé. Ils ont quitté des parents, une femme ou une fiancée, des enfants et ils sont revenus entre quatre planches. Et les survivants ?! des gueules cassées !

Je pense aussi à ceux qui un jour on dit « ça suffit » ! Ces hommes et ces femmes ont vécu la guerre dans ce qu’elle a de plus atroce. Plus rien à leurs yeux ne devait justifier un conflit armé. On sait pourtant qu’un second conflit mondial devra avoir lieu pour que ce vœu se réalise… d’ailleurs, le présentant, à la fin de l’année 1918, Georges Clemenceau dira : « La paix est une chose trop sérieuse pour la laisser aux militaires ». Par cette boutade, un brin injuste, il indiquait un problème réel, lourd de conséquence. De quoi s’agit-il ? Clemenceau voulait souligner deux points. Le premier point rappelle que la paix n’est pas qu’une affaire de techniques. Le second point, que la politique doit reprendre ses droits et sa fonction première.

De ce constat, naîtra l’Union Européenne. Des peuples autrefois ennemis sont devenus amis et frères. Que de chemin parcouru depuis 1918 où la revanche prévalait ! A un armistice humiliant pour le vaincu, puis à la plus violente des revanches, a succédé la réconciliation. Le pardon a fait place à la haine de l’ennemi. Comment cela est-il possible ? Le pardon n’est pas oubli mais permet la reconnaissance de la vérité sur ce qui s’est passé. Il n’y a pas de paix possible sans la justice. Comment être en paix avec son voisin s’il n’a pas de quoi vivre ? Comment aspirer à vivre en paix si je n’ai pas appris en famille le pardon qui retisse les liens qui se sont distendus par la dispute. La foi chrétienne ne protège pas de la barbarie. En chacun de nous il y a un combat à mener, celui de la fraternité au lieu du repli sur soi.

Comment regardons-nous notre prochain ? Est-ce que j’essaye de mieux le comprendre ou bien je l’ignore ou le vois comme une menace. La paix ne naît pas naturellement. Elle se cultive et fleurit là où on l’entretient. Le premier lieu où nous avons à l’entretenir c’est dans nos cœurs. Dieu nous invite à devenir des hommes de paix, de miséricorde et de justice. Alors que nous assistons à la déliquescence de la construction européenne (Brexit, retour des intérêts exclusivement nationaux…) et que nous entrons dans la campagne électorale des présidentielles, que le devoir de mémoire de ce 11 novembre n’entretienne aucune rancune mais qu’elle soutienne tous les efforts de paix. Alors ceux qui sont tombés pour la paix ne seront pas morts pour rien.

                                                                       P. Loïc Le Huen +