Heureux !

Toussaint 2021

Il suffit de regarder par la fenêtre pour s’en convaincre, nous approchons de la fête de la Toussaint ! Et comme chaque année, elle est accompagnée de son cortège d’impressions mélancoliques propres à l’automne : les feuilles qui tombent, le vent frais qui s’engouffre dans les manteaux, les jours qui raccourcissent, le gris du ciel traversé par des averses. Mais, cette année, l’actualité de l’Eglise, et en particulier le rapport de la CIASE et ces terribles chiffres, a de quoi assombrir ce climat déjà maussade. A cela vient s’ajouter l’actualité sociétale guère plus engageante : la pandémie de Covid toujours à nos portes, les soignants fatigués, l’économie déprimée par la hausse des énergies… et une campagne présidentielle qui s’annonce difficile !

Enfin, la liturgie de ce temps, en nous faisant remémorer tous nos défunts, n’ajoute-t-elle pas du tragique à ces pensées déjà sombres ?

Ce serait une erreur de le croire. En effet, se souvenir de tous ceux qui nous ont quittés, évoquer la mort, c’est aussi s’interroger sur nos raisons de vivre, sur le sens de notre vie aujourd’hui ! Cela est encore plus vrai lorsque nous faisons mémoire des hommes et des femmes qui ont réussi leur vie, notamment chrétienne, puisqu’on les appelle « heureux », ou « bienheureux » : les saints.

Mais alors, ces saints, qu’ont-ils de plus que les autres ? Peuvent-ils, en ces temps difficiles, nous révéler leur secret du bonheur ?

L’évangile des Béatitudes, que nous entendons en cette fête de la Toussaint, parle de ces gens « heureux » en mettant étonnement en avant ceux qui « pleurent », ceux qui sont « artisans de paix », ceux qui « œuvrent pour la justice »,  ceux qui sont « persécutés », etc.… La logique de Dieu n’est pas celle des hommes.

Trop souvent nous résumons le bonheur à une satisfaction émotionnelle, une réussite affective ou professionnelle, un moment de fête partagé. Mais cela reste souvent éphémère.

Le bonheur proposé dans les Béatitudes est tout autre. Il émane d’une vraie unité de vie, un équilibre qui vient du fait que l’on est « ajusté » à nos convictions les plus fortes, en cohérence avec ce qu’on désire le plus profondément. Ce bonheur correspond donc, pour le chrétien, à la vocation à laquelle nous sommes appelés par Dieu qui veut notre bonheur. Quand on regarde chacune des Béatitudes, on s’aperçoit qu’elles expriment toutes une attitude vécue par Jésus, le Saint par excellence, tout au long de sa vie ici-bas. En ce sens on peut dire que Jésus était parfaitement heureux, car parfaitement ajusté à sa mission et en communion avec son Père des cieux. Et sa dernière parole « Tout est accompli » exprime l’unité profonde de sa vie, ainsi qu’une véritable paix intérieure, même au cœur de la souffrance.

Célébrons donc la Toussaint comme un rayon de soleil qui traverse ce ciel gris de novembre en osant être heureux à la manière du Christ. Demandons-lui de nous apprendre sa joie !

                                                                       P. Loïc Le Huen +