Père Charles : 60 ans de mission

Grimpant quatre à quatre les marches qui conduisent à son bureau du presbytère, le père Charles accepte cette interview. A l’aube de ses 21 900 jours de sacerdoce, soit 60 ans de vie donnée, il témoigne de cette énergie qu’il transmet dans ses homélies et sa poignée de main. Ses étagères croulent sous les livres, mais c’est un mur entier qui retient l’attention : peuplé d’images de Marie, de nombreux saints, de papes et d’icônes, le père Charles a su bien s’entourer.

Ordonné le 29 juin 1959 à la Cathédrale de Nantes, il renonce à la vie de maraîcher qui aurait pu être la sienne, choisit le célibat pour Dieu et devient vicaire instituteur. “appel dans l’appel”, alors qu’il n’est pas encore ordonné prêtre, il est saisi par un autre appel, celui du pape Pie XII, qui, en 1958, publie l’encyclique Fidei donum dans laquelle il invite les Églises du Nord à établir des relations de collaboration avec les Églises d’Afrique. Volontaire dès son ordination, son projet met plusieurs années à se concrétiser. Il quitte sa terre natale de Loire-Atlantique en 1971 pour la Côte d’Ivoire. Il reviendra 30 ans plus tard.

Le Père Charles garde une mémoire embrasée de ces années où la mission était vaste… Malgré un climat rude, et la nécessité absolue d’apprendre la langue du pays, les nombreuses et intarissables anecdotes témoignent d’une période fertile. « J’avais ma valise chapelle, et ma caisse à pharmacie quand j’allais dans les villages.  L’Eglise était en plein essor, avec 200 baptêmes d’adultes par an, et un nombre croissant de paroissiens nécessitant des constructions d’églises. » Il raconte cette période d’inculturation, où il recevait la demande de chefs du village pour pouvoir procurer soins, éducation, et catéchisme. Il me dit avoir été témoin de l’œuvre de Dieu, et me le prouve en ouvrant cette bible usée sur son bureau : « Vous connaissez l’histoire de la pêche miraculeuse par Pierre ?» Le Père Charles l’a expérimentée avec des jeunes à qui il avait donné du fil de pêche après une messe en l’honneur de Saint Joseph Artisan. « Il y avait deux équipes, l’une a rapporté 136 poissons et l’autre 17… ce qui fait 153 poissons, comme dans Saint Jean, 21 ». Parmi ces 10 jeunes, 2 sont devenus prêtres. Il relate également avoir assisté à la guérison d’un enfant, à des conversions…

L’époque des bombardements de Nantes est loin, où à 11 ans il a souhaité devenir prêtre. Aujourd’hui, à 86 ans, il confie avec émotion « ne pas avoir vu le temps passer », mais évoque le futur proche avec empressement. Sortant une liasse de petits cartons aux formes diverses, couverts de noms et de dates, on devine chaque malade et personne âgée qu’il visite. Dans notre paroisse, il nous invite activement à la compassion : A l’écoute des drames d’aujourd’hui à travers les continents, il nous sensibilise à la prière d’intercession. Ce n’est pas tout, la bicyclette du Père Charles continue à le rendre actif : Célébrer les sacrements, garder des liens avec ses frères africains dans le besoin, participer au groupe Francesco, accompagner les familles en deuil, sont également ses inlassables préoccupations.

Pourtant jugé « informable » par son ancienne institutrice, le Seigneur l’a transformé pour qu’il serve la Communauté chrétienne. Décidément, le Seigneur fait pour nous des merveilles.

 

■ Hélène Ferré
NDN 21