Portraits et Témoignages

Articles tirés du journal NDN

Majed, la force de la foi

 

 

Turquie, Russie, Iran, Irak, depuis la nuit des temps, l’exil fait partie de leur histoire familiale. Il y a vingt-cinq ans, rattrapés eux aussi par cette histoire, Majed et sa famille ont dû quitter l’Irak. Partir. Quitter un travail, des amis, une terre, une langue, une patrie… Fuir, quelles qu’en soient les raisons, politiques, religieuses… Fuir, sans espoir de retour.

La situation à Bagdad était devenue intenable, guerre après-guerre, il était de plus en plus difficile d’y vivre. Ils ont décidé de partir.

Partir, tout recommencer …Dans cette épreuve une certitude, une clarté intérieure : Majed ne retournera pas dans son pays. Il veut mettre sa famille à l’abri, donner un avenir à ses enfants âgés alors de 6 ans, 3 ans et dix-huit mois, la quatrième naîtra en France.

A Nantes, où ils s’étaient réfugiés depuis quelques mois, ses parents, ses frères et sœurs les attendaient. Si cela a facilité leur accueil, il leur a fallu repartir à zéro, s’intégrer, réinventer une nouvelle vie. Pas facile quand il faut apprendre une autre langue, se fondre dans une culture différente, entamer des démarches administratives. Pas facile quand il faut retrouver un travail, entreprendre une formation car vos diplômes ne sont pas reconnus.  Pas facile quand il faut faire vivre une famille.

Portés par une énergie considérable, à une époque où la politique d’accueil était moins développée, Majed et son épouse n’ont pas ménagé leur peine. Ils ont réglé les problèmes administratifs, appris le français, se sont formés, ont trouvé du travail, tissé du lien social, accompagné leurs enfants qui tous les quatre ont fait de bonnes études. Pour eux, la famille est essentielle. Leurs enfants ne devaient manquer de rien. Ils devaient donner l’image de parents actifs, les journées étaient longues, très remplies…

Sur le mur de son salon, une croix chaldéenne rappelle son identité : « Nous sommes chrétiens depuis saint Thomas, depuis toujours. Malgré les persécutions, les massacres et des époques très tourmentées, notre Eglise a traversé les siècles. A la maison, nous parlions l’araméen, dans la rue, l’arabe. »  

En arrivant en France Majed a été surpris de rencontrer des chrétiens n’affichant pas leur identité. Ne pas pratiquer lui semblait inimaginable. Né chrétien, il lui fallait vivre sa foi, rester fidèle, s’intégrer dans l’Eglise. Pendant quelques temps, il a mis son identité chaldéenne entre parenthèses, faisant tout de même des liens avec sa pratique antérieure. Avec sa femme, ils se sont engagés, répondant toujours présents aux diverses sollicitations de leur paroisse.

Récemment, entouré de sa famille et de ses amis, Majed a traversé l’épreuve de la maladie. Cela a renforcé, consolidé sa foi. Il a dans le même temps été bouleversé par l’arrivée de Daesh dans la région de Ninive et par l’exil des chrétiens. Malgré sa maladie, poussé par une force intérieure, il a voulu se mettre au service de ses frères et a intégré la pastorale des migrants. Accueillir, accompagner, écouter ces frères blessés…

Lorsque nous évoquons la paroisse Notre-Dame de Nantes, le visage de Majed s’illumine : « Surtout, dites-leur merci. Merci pour l’espace offert afin d’exprimer notre foi. Merci de nous aider à conserver notre identité. Merci d’épauler tous ces gens blessés, merci de leur redonner de l’espoir… Merci, vous avez gagné de nouveaux frères dans la Foi. »

Brigitte Ferry
NDN 11 – Toussaint 2017