Portraits et Témoignages

Articles tirés du journal NDN

Gurgen, une lutte pour une vie nouvelle

 

 

Le regard noir, le sourire franc, Gurgen est décidé. Ni les kilomètres à pieds, ni la pluie ne l’ont arrêté pour participer aux rencontres de préparation au baptême. Avec sa mère et ses deux petites sœurs, il loge dans un hôtel social à Sainte-Luce-sur-Loire. Ils sont arrivés à Nantes il y a un peu plus de deux ans après avoir quitté l’Arménie. Ce départ de leur pays natal fut une nécessité, un arrachement pour tenter de construire un avenir meilleur mais sans aucune sécurité. Aujourd’hui, ils sont toujours dans une situation précaire. Leur espérance est suspendue à l’obtention d’une carte de séjour.

Pourtant Gurgen ne lâche pas. C’est un lutteur, un athlète, comme sa carrure le laisse deviner. Il a la ténacité que requiert cette discipline, précisément : celle de la lutte gréco-romaine. A 24 ans, il ne met pas en veille la force de sa jeunesse. Depuis son arrivée à Nantes, il s’entraine, seul d’abord, puis réussit à intégrer un club sportif, remporte des championnats, décroche une médaille d’or dans sa catégorie aux championnats de France. Il est à présent reconnu comme un lutteur de niveau international. Les médias locaux s’intéressent à son parcours, et ne manquent pas de relever que si Gurgen avait la nationalité française, il pourrait être sélectionné pour les Jeux Olympiques.

« Je n’aime pas trop les reportages, je n’aime pas parler de moi, mais j’accepte, à cause de ma situation. » Le matin de son baptême, cela lui suscite un dilemme ainsi qu’à l’équipe d’accompagnement. Une répétition de la cérémonie du baptême est prévue à la basilique Saint Nicolas à 10h. Mais à cette même heure, il est sollicité à nouveau pour un reportage par France 3. Que faire ? La préparation à la cérémonie n’est-elle pas plus importante ? Lui comme nous sommes ennuyés, surtout contrariés. Mais ensemble nous reconnaissons que ce reportage peut être une chance de plus pour lui, d’être entendu dans son désir d’intégration à la nation française.

Le soir du baptême, sa mère, ses petites sœurs sont là, attentives. A la fin des vigiles, un verre de l’amitié au presbytère permet quelques échanges. Avec les mêmes yeux noirs et un large sourire qui éclaire le visage, les petites sœurs de Gurgen demandent chacune : « moi aussi j’aimerais me préparer au baptême. Quand est-ce que je peux commencer ? ». C’est la deuxième fois qu’elles nous voient et la deuxième fois qu’elles nous font la demande. Elles aussi, visiblement, apprennent à persévérer.  Leurs regards pétillants laissent deviner que ce sont deux petites sœurs admiratives de leur grand frère.

Sœur Marie Anne
NDN 2 – Pentecôte 2016